jeudi 19 décembre 2013

La transat 2ème partie

samedi 14 décembre 2013
La mer a été très agitée toute la nuit, la houle de plus de 4 à 5 mètres déferlent en permanence autour de DIONYSOS.
Le soleil se lève sur une matinée maussade, de gros nuages barrent l’horizon, annonciateurs de grains qui effectivement nous atteindront. La pluie est alors abondante, le vent monte furieusement atteignant les 30 nœuds, la mer s’agite rapidement.
Nous avons essayé  à plusieurs reprises la configuration que nous avait suggérée Fred, mais le vent est trop fort, la houle trop haute, le génois déventé en permanence claque à chaque embardée et secoue furieusement le gréement.
Nous conservons la voilure à 3 ris dans la grand voile, le génois est roulé entièrement, le vent plein arrière, la houle sous 30°. DIONYSOS file ses 6.5 nœuds, plus de 8 sous les grains.
A 12 heures il nous reste 540 miles à parcourir jusqu’à l’ilet Cabri, au sud de la Martinique, le point d’aboutissement de notre navigation.
Encore une journée mode essorage.
A 14 heures nous sommes rattrapés par un cargo sans AIS, il nous doublera à moins d’un mile. Il disparaitra rapidement dans la houle et le grain que nous sommes en train de subir.
Point à 15 heures : 145 nm en 24h

dimanche 15 décembre 2013
Le vent atteint maintenant 25-30 nœuds en continue.
La mer devient vraiment grosse et les vagues sont de plus en plus difficiles à négocier.
Le pilote automatique fait de son mieux pour garder le cap qui lui est assigné.
Vers 1 heure, durant mon quart et celui d’Irène une vague plus haute que les autres prend avec violence DIONYSOS par son travers bâbord qui se retrouve travers de la houle. Cette vague scélérate passe par-dessus le pont avec un bruit d’enfer, envahie le cockpit et le coffre tribord, au-dessus de la cabine utilisée par Rolland. 
Le bateau est repris en main, remis sur son cap, mais nous changerons la voilure en ferlant la grand voile et mettant le génois à 3 ris. Nous nous mettons en fuite devant ce vent qui forci et cette mer qui est maintenant très grosse.
Nous nous apercevons que le coulissot de la latte du 3ème ris est cassé, il n’a surement pas supporté cette déferlante. 
DIONYSOS est tout de suite stabilisé, propulsé à plus de 6 nœuds par ce petit bout de toile. Nous prenons un cap compatible avec la houle impressionnante qui fait maintenant de 7 à 8 mètres et nous ballote furieusement.
Rolland de retour dans sa cabine s’aperçoit que sa couchette est entièrement mouillée, l’eau qui est rentrée dans le coffre, s’infiltre maintenant en fins filets au dessus de ses pieds.
Une partie de la nuit sera consacrée à éponger et sortir tous les vêtements mouillés.
Le moral de l’équipage en a pris un coup et le sommeil ne pourra être trouvé avant le petit matin.
Je poursuis le quart avec Pierre jusqu’à 7 heures. Irène et Rolland prendront la suite.
Au matin le vent est toujours aussi fort, et la houle toujours aussi forte, mais le bateau avance bien. Nous en profitons pour rechercher d’où peut bien venir cette eau qui aurait due rester dans le coffre. Un petit trou dans le fond est repéré, il est vite rebouché par du mastic. Tous les fonds sont épongés et séchés. Le capot et la descente sont en permanence fermés, transformant l’intérieur du bateau en une véritable étuve. Chaque mouvement se transforme en un flot de transpiration.
La fatigue de l’équipage se fait maintenant sentir, il nous tarde d’arriver, d’autant que la météo prévoit ce genre de temps jusqu’à la fin du voyage.
Nous nous mettons à l’heure de la Martinique, soit l’heure UTC moins 4 heures.
Point à 15 heures : 140,5 nm en 24h


lundi 16 décembre 2013
Nuit agitée, vent 25-30 nœuds sous les grains, mer forte, houle 5 à 6 mètres, parfois des creux beaucoup plus importants. Quelle hauteur ?  Difficile à dire…
A 5 heures du matin durant mon quart et celui d’Irène, une vague submerge le bateau par l’arrière et se répand dans le carré dont le capot est pourtant fermé et étanchéifié par des joints.
Tout le monde se retrouve debout, les yeux hagards, épongeant pour la nième fois le sol du carré devenu glissant.
La voilure est encore réduite, nous naviguons maintenant à plus de 6 nœuds, avec juste un bout de génois à l’avant.
Toute la matinée la houle est très forte, l’allure se ralentie, le bateau part régulièrement au lof  une fois ces montagnes d’eau passées.
Le capot et la descente restent fermés, régulièrement des vagues viennent envahir le cockpit dans un fracas épouvantable. Nous scotchons tous les coffres avec de l’adhésif pour éviter un remplissage lors des phases sous-marines de DIONYSOS.
Il nous reste moins de 300 miles à parcourir.
Profitant d’un petit moment de répit et d’accalmie, nous réparons le coulissot de la grand voile cassé la veille, on pourrait en avoir besoin.
A 18 heures nous prenons la météo par iridium. Elle nous confirme que le vent devrait rester à 20 nœuds jusqu’à mercredi, jour envisagé de notre arrivée.
Il y aura du vent et la houle qui va avec. Mais maintenant nous sommes habitués et envisageons cette fin de parcours avec sérénité. Le bateau marche bien même si le mode essorage permanent continue.
Nous sommes sereins, jusqu’au point fait à 19 heures avec mon frère Gaby qui nous alarme en nous disant qu’un coup de vent était en cours sur la Martinique, que l’alerte jaune avait été déclenchée. Pas étonnant avec ce que nous venons de subir à 300 miles des côtes.
Nous commençons à douter de nous et des fichiers météo que nous venons de télécharger. Nous contrôlons une fois de plus leurs concordances entre ce qui était prévu les jours et les heures précédents et ce que nous avons subit.
Tout correspond. Nous ne voyons pas pourquoi il en serait différent pour les jours à venir.
Nous serions nous autant trompés sur l’interprétation des données que nous avons ?
Nous étudions ensemble sur l’écran de télévision du carré les données de prévisions que nous possédons. Nos interprétations semblent bonnes et semblent correspondre à la réalité.
Le repas du soir sera morose, l’appétit absent. Le repos sera difficile pour ceux qui assureront le deuxième quart, le doute s’installe.
La suite de la navigation nous prouva que nos interprétations étaient bonnes.
Nous avons été inquiétés alors qu’il n’y avait pas lieu de l’être, du moins pas plus que ce que nous vivons depuis 1 semaine. Les conseils de prudence qui nous ont été transmis ce soir là par Iridium nous ont plus inquiétés que rassurés.
Est-ce que nous courront des risques que nous n’aurions pas évalués pleinement ? 
De plus, que pouvons-nous faire d’autre pour s’y soustraire ? Nous devons continuer, il n’y a pas d’autre alternative. Le bateau est préparé pour le gros temps, tout est fermé ou attaché, personne dehors, le cap de fuite nous mène vers notre destination, la voilure est réduite au maximum pour garder une vitesse nous permettant de rester manœuvrant…
Point à 15 heures : 126 nm en 24h

mardi 17 décembre 2013
La nuit a été relativement calme, même si des grains fréquents sur la route de DIONYSOS renforcent par moment le vent et la houle.
Au matin la mer et le vent se sont relativement calmés, 15-20 nœuds d’Est, houle 2-3 mètres.
Repéré à l’AIS, nous ferons une grande partie du trajet avec le voilier S/Y HAPPY DAY, il ne répondra pas à nos appels sur la VHF.
Le soleil est de retour, le but approche, le moral remonte.
Des grains croisent sans cesse sur notre route, le vent monte alors à plus de 30 nœuds, avec évidement la houle qui va avec.
Toute la journée nous restons sous génois seul, roulé à 3 ris. Cette mer croisée dans tous les sens secoue violement le bateau.
Nous nous préparons à passer notre dernière nuit en mer.
Point à 15 heures : 125 nm en 24h

mercredi 18 décembre 2013
Nuit effectivement agitée, mouvementée, ballotée, chahutée, secouée….Mais ce sera la dernière.
Une vague s’invite encore dans le cockpit, au moment même de notre relève de quart, juste quelques secondes après que Pierre ai eu refermée la descente. Un fracas sur le pont, l’eau s’évacue lentement par les évacuations prévues à cet effet, mais, cette fois, ne pénètrera pas dans le carré.
Le vent est toujours soutenu, 20-25 nœuds d’Est, houle 3-4 mètres.
Au matin, beaucoup de poissons volants qui fuient l’étrave comme des volées de moineaux.
Par un piquer vertigineux dans les vagues, un fou de bassan viendra prélever son déjeuner, il en ressortira 2 poissons volants au bec.
A 9 heures locale la terre n’est pas encore en vue, (nous nous sommes mis à l’heure des Antilles depuis plusieurs jours).
Plein ouest, à 60 miles devant notre étrave, l’ile de la Martinique.
Nous savons quelle est là, la cartographie électronique nous le confirme, une masse brumeuse signale sa présence, mais nous ne pouvons pas encore la voir.
Pierre et Rolland scrutent l’horizon et les premiers sommets de la Martinique qui pourraient apparaitre. Son point culminant est la Montagne Pelée à 1397 mètres, on devrait la voir.
Le premier qui criera « TERRE-TERRE » se verra offrir par l’équipage une rasade de rhum.
C’est Irène qui criera ces mots à 17h15 UTC à 35 miles des côtes. Nous sommes heureux de revoir la terre après tant de temps passé en mer.
La côte se fait plus précise sur l’horizon, les contours et les détails apparaissent, nous pouvons maintenant voir les routes et les véhicules les empruntant.
A 23 h 18 nous passons au sud de l’Ilet Cabri, nous le contournons à bonne distance, pour virer sur notre tribord vers le mouillage de la baie de Sainte Anne.
Evidement, alors que la tablette cartographique nous dirige dans la baie constellée de hauts fonds et de cayes, nous nous prenons dans le filet d’un casier. Quelques manœuvres avant arrière du moteur, un coup de couteau par ci par là, et DIONYSOS peut reprendre sa route. Nous vérifierons demain matin si des morceaux de bouts ne sont pas restés entortillés dans l’hélice.
A 1 heure 19 nous jetons l’ancre dans la baie encombrée de nombreux bateaux au mouillage qui sont venus se mettre là à l’abri du coup de vent prévu pour le 19 et 20 décembre.
Séquence émotion ou tout l’équipage s’embrasse, se félicite, se remercie. Les larmes ne sont pas loin, la tension redescend peu à peu.
Nous sommes arrivés, nous sommes fatigués, mais nous sommes arrivés, nous avons traversé l’océan Atlantique.
Nous prévenons tous nos parents, amis, voisins et connaissances de notre arrivée sans encombre. Certains commençaient à se soucier des mauvaises conditions météo que nous avons subies.
Ce soir ce sera champagne, avec une boite de sardines et une saucisse sèche coupée en rondelle, 2 paquets de chips,  dessert mini babibel et un bocal de pruneaux au vin de Cahors donné par ma maman il y déjà quelques temps.
Peu importe, nous n’avons plus de produits frais ni de pain, mais ce sera un repas de fête. Fête des marins qui ont accompli leur rêve.
C’est à plus de 2 heures du matin heure locale maintenant que nous rejoignons nos couchettes, la pression est tombée, nous allons pouvoir passer une nuit tranquille, sans se soucier des quarts, du vent ou de la mer qui monte.
Nous allons pouvoir profiter des Antilles, de la Martinique, de la mer et du soleil autrement, comme des vacanciers.
Depuis Mindelo au cap vert, nous avons parcouru 2143 miles nautiques en 18 jours et 8 heures.  

4 commentaires:

  1. Et bien nous on vous dis B R A V O et F E L I C I T A T I O N !!!

    Vous etes arrivez après les péripéties que l'on a lues maintenant profitez un max de votre séjour et surtout envoyez des photos pour nous faire oublier un petit peu notre temps hivernal .

    Bises Jeannot / Bernard

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  2. Super de savoir que vous êtes arrivés et de nous avoir vite raconté tout ça.
    Et hop, une bonne rasade de rhum pour fêter ça.

    Bises
    Geneviève et Léon

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  3. Félicitations aux loups de mer...............
    Neptune a veillé sur voussssssssssssssss............. ;)
    Profitez du beau temps et de la chaleur et bon séjour à vous........
    Grosses bises.
    Pat JM

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  4. Félicitations aux marins, et BONNES VACANCES !!
    Bisous de Gilles et Hélène

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